Philosophie Morale Expérimentale - 2e Partie - Définition de la morale et courants

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Définition de la morale

Loin de moi l’idée d’être pompeux, c’est un risque encouru lorsque l’on veut donner une définition. Si on consulte Wikipédia[1], la morale désigne l’ensemble des règles ou préceptes, obligations ou interdictions relatifs à la conformation de l’action humaine, aux mœurs et aux usages d’une société donnée. De la morale est née la philosophie morale qui se distingue de la métaphysique de par son aspect pratique. En s'intéressant à la question du bien et du mal.[2]

A partir de ces valeurs, la morale fixe des principes d'action, qu'on appelle les devoirs de l'être humain. Devoirs vis-à-vis de lui-même, des autres individus, de l'ensemble de la société, ou d'idéaux plus élevés (la tradition, l'harmonie, la paix, les dieux, etc.)

Ces principes définissent ce qu'il faut faire et comment agir. La valeur morale d'une action (le fait qu'elle soit bonne ou mauvaise) peut être définie soit d'après ses conséquences (conséquentialisme, utilitarisme, pragmatisme), c'est-à-dire selon les effets engendrés par cette action, soit d'après sa conformité à des valeurs (déontologie, intuitionnisme), c'est-à-dire selon les intentions ou motivations qui la commandent (indépendamment des conséquences).[3]

Éthique versus morale 
La différence n’est pas franchement simple et claire en fonction des philosophes moraux analytiques et non analytiques :
  • Éthique est le rapport à soi, morale le rapport aux autres
  • Éthique est du côté du désirable, morale du côté de l’interdit et de l’obligatoire
  • Éthique est du côté de la critique et de l’invention, morale du côté de la conformité

Et en allant plus loin, nous avons de nombreuse déclinaisons de l’éthique (descriptive, normative, appliquée, méta-éthique…. C’est pourquoi dans la suite de cet article, j’utiliserai les deux termes de la même façon.



Les différentes écoles
Les auteurs et spécialistes ne seront pas forcément d’accord, mais mon objectif ici est surtout de poser des bases pour la compréhension de ce qui va suivre. On peut distinguer au moins trois façons de concevoir la morale (ou éthique normative), tout du moins trois paradigmes historiques qui se querelle quant à la meilleure définition de ce qui serait la morale.


L’éthique des vertus
Probablement l’un des concepts les plus anciens. Héritage d’Aristote également appelé parfois « arétiste » (excellence). On pourrait définir l’idée principale ainsi : La seule chose qui importe moralement c’est la « perfection personnelle », c’est être quelqu’un de bien, de bon caractère, de généreux, d’affectueux de courageux. Le reste semble secondaire. Non pas qu’œuvrer pour le plus grand bien ou Ie plus grand nombre n’existe pas, mais ceci est tout à fait secondaire et par la même consécutif à la perfection personnelle. La morale n’est pas que rapport aux autres, elle est aussi un souci de soi.[4] On se concentre ici donc sur le caractère ou les motivation de la personne.
L’éthique des vertus soutient la thèse qu’il y aurait des personnalités morales exemplaires qui le reste quelque soit le contexte. Les expériences sur le comportement existent justement pour challenger ce genre de théories et remettent en question aujourd’hui cette conception de l’éthique [5] même si un retour de grâce semble avoir lieu actuellement.[6] Les situationnistes ne sont pas en accord avec l’existence de personnalités vertueuses même si la présence de justes leur pose de sérieux problèmes car ces derniers contredisent leurs théories.


Le déontologisme
Du mot (déon = devoir) ; largement inspiré de Kant[7]. Le déontologiste considère qu’il existe des contraintes absolues sur nos actions, des choses que nous ne devrions jamais faire quelque soit les conséquences. Il présente la loi morale comme un impératif catégorique. Par exemple ne pas mentir, ne pas voler, ne pas traiter une personne humaine comme un simple moyen, nous reviendrons beaucoup dans cette planche sur ce concept. Ce qui est important, c’est le type d’action et non ses conséquences.
Bien que certains puristes pratiquent le déontologisme de manière extrême (l’exemple célèbre du nazis frappant à la porte du juste cachant des juifs, selon le deontologiste, il n’a pas à mentir à la question « cachez vous des juifs ») il existe des variantes permettant d’être plus modéré dans les situations qui l’exigent.
En outre, ils postulent que nous ne devons pas être soumis à nos émotions. La loi morale ne peut dériver de nos inclinations (entendez de notre sensibilité affective), ni les suivre mais doit émaner de la raison elle même.[8] Notre vie affective serait une contrainte à notre vie morale, nos émotions nous emprisonnent dans notre partialité seule la raison nous en délivre


Les conséquentialistes
Ce qui compte pour le conséquentialiste, ce n’est pas le respect des contraintes mais de faire en sorte qu’au final, il y ait le plus de bien possible et le moins de mal possible dans l’univers. En somme, on pourrait résumer que ce sont les conséquences d’une action donnée qui doivent définir le jugement moral de ladite action. Du coup, l’objectif n’est pas de respecter aveuglément certaines contraintes absolues sur l’action. Parfois, il peut être justifié de mentir, de voler ou même de sacrifier une vie pour en sauver d’autres.
Plusieurs conceptions conséquentialistes se distinguent par la définition du bien qu’elles en font. Les fameux utilitaristes sont une sous-famille, la plus historique. Pour ces derniers le bien/bonheur, c’est le plaisir et le moins de peine possible. Il est supposé que l’avantage de la pensée utilitariste et de nous donner les moyens d’aborder les questions morales de façon rationnelle et sans trop de préjugés. Mais est ce si rationnel ? On peut être conséquentialiste sans être utilitariste, dans ce cas, il suffit de ne pas réduire le bien au plaisir.[9] Il existe bien sûr d’autres familles comme les altruistes (maximisation des bénéfices d’autrui sans considération pour l’auteur), les égoïstes (maximisation du bénéfice pour l’auteur), conséquentialisme négatif (diminuer la souffrance globale)…


L'exemple de l'enfant qui se noie
Si l’on devait prendre un exemple plus parlant : Un enfant qui se noie :

  • Le conséquentialiste dirait que les conséquences d’un sauvetage maximiserait le bien-être / diminuerait la souffrance globale
  • Le déontologiste dirait qu’en sauvant l’enfant, le sauveteur agira en accord avec la règle morale telle que « fais aux autres ce que tu voudrais que l’on te fasse »
  • L’arétiste dirait que le fait d’aider cette personne serait charitable, bienveillant, courageux. L’intention est primordiale.



Quelle donc est la meilleur théorie morale ? Comment savoir laquelle est juste ou vraie ? C'est ce que je vous propose d'étudier dans la troisième partie.



Adelphiquement vôtre.

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Morale
[2] La morale se distingue de la logique (dont les valeurs sont le vrai et le faux), du droit (le juste et l'injuste), de l'Art (le beau et le laid) et de l'économique (l'utile et l'inutile).
[3] Il y a deux formes d'attitude contraire à la morale, l'immoralité qui consiste à transgresser délibérément les règles de la morale sans pour autant porter de jugement sur celle-ci, et l'amoralité qui consiste à refuser ou nier l'existence d'une morale, voire à encourager dans certains cas leur transgression systématique, en séparant les notions d'éthique de celles de mœurs.
[4] J’en profite pour vous partager un coup de cœur par André Comte Sponville, petit traité des grandes vertus, qui liste de nombreuses vertus dont les fameuses cardinales, Prudence, Justice, Tempérance, Courage.
[5] Ruwen Ogien – L’influence de l’odeur des croissants chauds sur la bonté humaine. Livre de Poche.
[6] Elizabeth Anscombe, Modern Moral Philosophy 1958 ; Alasdair MacIntyre, Après la vertu. 2013
[7] Kant – Métaphysique des Mœurs. 1795
[8] Baertschi. La neuroéthique. Edition la découverte.
[9] Article wiki : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Conséquentialisme


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