En route pour l'écriture inclusive - 7e partie - La Franc-Maçonnerie pas en reste
7e Partie – La Franc-Maçonnerie pas en reste ?
Penchons nous dans cette avant-dernière partie sur l’inclusion et la Franc-Maçonnerie. Ce thème récurrent n’est pas simple à traiter et tient à l’accès et l’inclusion des femmes aux loges. Adoptions, initiations et FM régulière se mélangent et s’entremêlent dans cette problématique. Mes propos ici seront principalement centrés sur mon obédience, le GODF et ses positions récentes sur la féminisation des postes.
Petit rappel historique.
Au tout départ, les loges ont toujours été masculines. Certainement dû au statut de la femme d’une part, qui n’était pas tout rose en 1700, mais également au fait qu’on retrouvait peu de femmes sur les chantiers et donc dans la pratique opérative. Toutefois, même si le GODF initie des femmes depuis peu (2010), c’est dès le 18e siècles que les femmes ont été accueillies. [1] Cécile Revauger donne les informations suivantes. Des loges distinctes et créées spécifiquement pour accueillir les sœurs à parité avec les hommes virent le jour dès 1774, et leur développement a suivi l’essor du GODF. Les officières étaient désignées au féminin. Elles ne pouvaient cependant pas se réunir sans la présence du vénérable de la loge masculine à laquelle elles étaient rattachées. La révolution mis un coup d’arrêt aux loges d’adoptions qui disparurent petit à petit. Lors de la réapparition au XXe siècle, elles avaient changé d’obédiences et s’étaient transformées en loges féminines sous l’égide de la GLDF. AU GODF, c’est en 2009, suite à une sœur transgenre, Olivier devenu Olivia, que l’égalité des genres pu progresser pour aboutir au convent de 2010 à un vote pour obtenir la liberté pour les loges d’initier des sœurs. On pourrait se targuer d’un progrès notable. C’est certes juste mais de quoi aura t’on eu besoin pour en arriver à un tel niveau d’égalité.
Le GODF, une obédience non mixte
Le GODF initie des femmes, accueille sans distinction de genre (encore heureux vous me direz) mais ne se considère toujours pas mixte. La maçonne sur son blog dit justement[2] « Dès lors qu'une femme est initiée, ce n'est plus une femme. La part féminine n'est pas initiable. Elle est comme tuée par l'initiation et cela devient un frère comme les autres, des hommes. » Pourtant, au temps des lumières, le combat contre la laïcité pouvait être associé à un combat pour l’égalité des sexes. Comme l’indique Cécile Révauger[3] « Les Lumières françaises rejetaient le dogmatisme de l’Eglise catholique, et comme Voltaire, voulaient « écraser l’infâme », c’est-à-dire le papisme et donc l’intolérance religieuse ». La liberté de conscience revendiquée jusque dans les statuts du GODF ne serait pas en lien avec l’émancipation des femmes ? En effet, si je croise les discours de certains frères qui se voient imposer par leur obédience de croire en dieu, et le fait que ces mêmes obédiences n’acceptent pas les femmes et ce même visiteuses. Ce serait un débat sans fin de questionner ici le rapport des catholiques à la femme, toi qui me lit, tu ne seras peut être pas étonné d’apprendre que je suis un athée endurci qui a quelques difficultés avec ces préceptes qui placent la femme dans un rôle subalterne.
Le GODF et la féminisation des postes.
Des loges ont pris la liberté de féminiser les noms de postes. Rappelées à l’ordre par la circulaire n°1035 du 31 mai 2019, le Grand Secrétaire aux Affaires Intérieures Patrick Devos et le Grand Orateur Claude Champetier, donnent deux raisons à cela[4] :
1. Les loges ne sont pas libres de féminiser les rituels, car ils appartiennent à l’obédience.
2. Les fonctions ne sont pas féminisées afin de respecter «l’égalité la plus parfaite» des francs-maçons.
En somme le GODF annonce par la présente que les rituels appartiendraient à l’obédience. Depuis quand le REAA ou le Rite Français appartiennent à une obédience ? Cela me laisse coi d’autant qu’il n’y a pas d’unité entre les loges sur le rituel utilisé. En plus certaines loges adaptent, et c’est connu, certains aspects du rituel.
Ensuite, ne pas féminiser serait respecter une égalité parfaite ? Il est sous-entendu que les postes actuels seraient épicènes. Seulement, voilà, fût un temps, il n’était donné qu’aux hommes. Comment imaginer dans ces conditions, que dans l’imaginaire collectif, on entende « homme et femme » derrière le terme orateur. Si nous reprenons les études évoquées dans les précédentes parties, on comprendra que ça ne prend pas. Un frère m’aura également fait part du fait qu’un des arguments avancé était que ce ne serait pas respecter les transgenres… sans commentaires. Et puis comme le dit si bien François Koch[5], en quoi respecter le genre d’un membre de l’obédience contrevient au traitement égalitaire de chacun? La volonté d’effacer toute différence de genre en refusant toute féminisation des appellations ne camoufle-t-elle pas la réticence des frères à l’accession des sœurs à des postes de responsabilité, notamment au Conseil de l’Ordre
Un GODF à la traîne
Rappelons que l’Académie Française, si frileuse quand il s’agit d’innover… je suis mauvaise langue… si larguée quand il s’agit de progresser… accepte enfin la féminisation des noms de métiers dans un rapport rendu en février 2019[6]. En 2014[7] déjà, elle reconnaissait l’usage et l’utilité de la féminisation du moment que les règles du français étaient respectées. Les femmes étaient « autorisées », à titre individuel, à féminiser leur titre si elles le souhaitaient. Ainsi, il reste peu d’associations ou sociétés récalcitrantes sur cette féminisation. Je suis attristé de ce constat, sachant que la FM à souvent été en avance sur son temps. Pas sur tout visiblement.
Pour autant, rien ne s’oppose à cela. La FM, c’est de la tradition orale, et une souveraineté des loges, tout du moins c’est ce que j’ai compris jusque là. Pourquoi ne pourraient-on pas laisser les loges qui le souhaitent féminiser les titres des postes. Si on se place sur le plan grammatical donc, le GODF ne respecte pas les règles d’accord élémentaires en refusant de féminiser ses postes. « Ma sœur expert » est une faute de français, on devrait dire « ma sœur experte »[8]. Or, la beauté de la langue, l'usage de celle-ci et les règles grammaticales en vigueur reconnues par l'Académie Française, obligent le GODF et toutes obédiences maçonniques à accorder le féminin. Ne pas le faire – et s'acharner à refuser à le faire – est non seulement une faute de français, mais une véritable menace pour la langue et conduit à son déclin.
Derrière quoi se rangent les pourfendeurs de mixité
Il y a d’abord l’argument règlementaire. Comme l’explique Patrick Devos[9] « Ce n’est ni du machisme ni du sexisme, simplement nous appliquons le Règlement Général du GODF où aucun nom n’est féminisé. Pour que cela change, il faudrait que des loges demandent une modification du Règlement au Convent. Cela viendra peut-être». Il semblerait que le combat à mener n’en vaille pas la chandelle et que la priorité soit placée sur l’accession aux postes de responsabilité des sœurs comme au conseil de l’ordre par exemple. Un second argument, symbolique pour le coup, émerge avec ce besoin de neutralité de genre. Le tablier en exemple, censé gommer nos différences, représentation parfaite de l’épicène recherchée pour permettre un travail serein loin des tentations de la chair.
Pourquoi il faut que ça évolue !
Ne serait il pas novateur pour le Grand Orient de féminiser ses noms de poste. Je ne vois pas ce que cela enlèverait. La tradition ? Une tradition est faîtes pour évoluer, à la manière d’une loge qui s’emplie de nouveaux maillons. Une loge change évolue au gré des courants et des époques. Un rituel évolue en fonction de l’usage et celles et ceux qui travaillent dessus en ont pleinement conscience. De même, modifier homme, en humain ou humanité, je ne vois pas vraiment en quoi cela pourrait être dangereux ou discriminant. Cela traduirait un profond changement de mentalité et permettrai aux frères de marquer une fois de plus un progressisme, car il faut bien reconnaître que sur ces questions, nous sommes à la traîne. Comme le dit Cécile Revauger[10], l’usage du féminin est un enjeu fondamental au même titre que l’égalité des salaires […] le langage est le reflet de notre société.
L’effort devrait maintenant se porter sur la présence de sœurs au conseil de l’ordre d’une part, la féminisation des postes d’autre part. Tout n’est pas noir non plus, pendant la crise COVID, nous avons reçu un document écrit en langue inclusive… de quoi espérer.
Adelphiquement vôtres...
1er Partie – Introduction.
2e Partie – De quoi parle t’on ?
3e Partie – Un brin d’histoire.
4e Partie – Et la science dans tout ça ?
5e Partie – Un péril mortel ?
6e Partie – Pourquoi c’est un important ?
7e Partie – La Franc-Maçonnerie pas en reste.
8e Partie – En pratique comment on fait - Conclusion.
[1] https://www.hiram.be/dynamiques-de-legalite-des-genres-au-godf-hier-et-aujourdhui/
[2] https://lamaconne.over-blog.com/2020/08/ecriture-inclusive-feminisation-contre-le-sexisme.html
[3] La longue marche des Franc-maçonne, Cécile Révauger, Editions Dervy.
[4] https://blogs.lexpress.fr/lumiere-franc-macon/2019/07/17/godf-la-feminisation-des-noms-cest-non/
[5]https://blogs.lexpress.fr/lumiere-franc-macon/2019/07/23/feminisation-le-godf-est-il-dogmatique/
[6] http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rapport_feminisation_noms_de_metier_et_de_fonction.pdf
[7]https://lamaconne.over-blog.com/2019/07/godf-feminisation-un-probleme-d-accord.html
[8] https://lamaconne.over-blog.com/2020/08/ecriture-inclusive-feminisation-contre-le-sexisme.html
[9] https://blogs.lexpress.fr/lumiere-franc-macon/2019/07/17/godf-la-feminisation-des-noms-cest-non/
[10]https://www.hiram.be/dynamiques-de-legalite-des-genres-au-godf-hier-et-aujourdhui/
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