Fiche de Lecture / Critique - L'École des soignantes.
SPOILER ALERT : PROFANE apprenti compagnon maître
Fiche de Lecture / Critique - L’École des soignantes
Ce livre brillant et lumineux a été écrit par Martin Winckler en 2019. Ce médecin, auteur et essayiste n’en est pas à son coup d’essai, il s’agit ici de son 23e roman. Je vous conseille au passage un petit tour sur son blog (https://ecoledessoignants.blogspot.com/).
Je dois dire que ce livre m’a particulièrement bouleversé dans sa vision (que certains pourraient qualifier d’utopiste) du système de santé que je trouve personnellement extrêmement intéressante. La question de la santé est un sujet qui me passionne (lire notamment une autre fiche là) et cet écrit en plus de proposer une nouvelle façon concevoir le soin et la prise en charge, entendu comme une proposition d’évolution sociétale, se lit comme un roman.
La lecture est divisée en 3 parties qui alternent : des entretiens, le récit, et de petits poèmes où chaque phrase commence par « Je suis de celles… » (certains sont glaçants)
Le livre s’ouvre sur un bref historique qui permet de poser les bases de l’univers.
Fiche de Lecture / Critique - L’École des soignantes
Ce livre brillant et lumineux a été écrit par Martin Winckler en 2019. Ce médecin, auteur et essayiste n’en est pas à son coup d’essai, il s’agit ici de son 23e roman. Je vous conseille au passage un petit tour sur son blog (https://ecoledessoignants.blogspot.com/).
Je dois dire que ce livre m’a particulièrement bouleversé dans sa vision (que certains pourraient qualifier d’utopiste) du système de santé que je trouve personnellement extrêmement intéressante. La question de la santé est un sujet qui me passionne (lire notamment une autre fiche là) et cet écrit en plus de proposer une nouvelle façon concevoir le soin et la prise en charge, entendu comme une proposition d’évolution sociétale, se lit comme un roman.
La lecture est divisée en 3 parties qui alternent : des entretiens, le récit, et de petits poèmes où chaque phrase commence par « Je suis de celles… » (certains sont glaçants)
Le livre s’ouvre sur un bref historique qui permet de poser les bases de l’univers.
Un médecin progressiste a été élu à l’Assemblée nationale et va proposer un système de santé unique pour sa ville, Tourmens, en prenant le contrôle de la CPAM et du centre hospitalier. Son objectif : repenser le soin dans sa globalité. L’objectif : rompre avec le mercantilisme et l’escalade technologique. D’une part il s’agit de s’affranchir des sociétés privées qui financent et d’autre part, limiter la surconsommation d’examens cliniques, actuellement très décriés quelque soit le champ concerné. Le tout en se basant sur les données scientifiques ainsi qu’en favorisant l’approche relationnelle et clinique. Le centre hospitalier ainsi crée est renommé Centre Hospitalier Holistique de Tourmens.
Nous allons suivre le parcours de Hannah.
Nous allons suivre le parcours de Hannah.
Un homme de 35 ans, dans son cursus pour devenir une officiante, anciennement nommé médecin. Ne cherchez pas, il n’y a pas de fautes de frappe. A Tourmens, tous les membres sont désormais nommés au féminin : on parle d’une professionnelle, d’une membre, d’une soignante en formation et d’une soignée. Cette féminisation des termes est une volonté de l’auteur qui signe ici un roman profondément féministe et engagé sur la position des femmes. Vous trouverez très prochainement sur le blog tout un travail autour de l’écriture inclusive et c’est un joli hasard que je sois tombé sur ce livre qui présente l’originalité d’être écrit au féminin. La lecture est quelque peu déstabilisante au début car j’ai eu du mal à identifier le genre des protagonistes mais au final, on s’en passe fort bien et ressent un profond sentiment d’acceptation inconditionnelle des différents intervenants. On se passe bien du fait de savoir s’ils sont femme, homme, bi, trans, queer…
Les différents protagonistes entretiennent des rapports amoureux qui sont extrêmement diverses et multiples dans leur forme. En un mot, cela nous permet de nous concentrer sur les personnages et pas ce qu’ils renvoient. De même, au cours des lignes, nous sommes au plus prés des patientes, dans leur intimité, et cette proximité est très touchante. On ressent bien que l’auteur pioche dans son expérience professionnelle pour construire ces situations.
En outre, les propositions que défend Martin Winckler dans son système de soin sont particulièrement novatrices :
- Plus de fragmentation des services selon les maladies d’organes (comme la pneumologie ou la cardiologie par exemple) mais une réorganisation par pôle : « pôle enfant », « pôle physio » pour les femmes, « pôle Andro » pour les hommes, « pôle aîné » pour les séniors…
- Comme je l’ai évoqué, féminisation des professions. « soignantes pro » de « panseuses » et « d’officiantes » à la place de aide-soignant.e.s, infirmier.e.s, internes et médecins.
- Le parcours de formation est construit de manière à ce que chacun.e puisse franchir les étapes avec une rémunération juste et progressive non dépendante du prestige de la position mais plutôt des responsabilités. L’évolution est encouragée par la valorisation.
- Les soignées sont intégrées au cursus d’apprentissage et font des retours d’expériences pour former les professionnelles. Elles jouent leur rôle participent à la création de scénario pour former les soignantes aux situations particulières comme en psychologie et psychiatrie. Les soignées deviennent ainsi non pas des sources d’informations mais des sources de connaissances.
- La charte que doivent signer les soignantes, écrite en langage inclusif, est un plaidoyer sur la tolérance et l’égalité du soin. Un genre de serment d’Hippocrate mis au goût du jour.
- Dans cet hôpital public le recours à l’IVG est gratuit et automatique sans que l’on pose des questions sur le « pourquoi ». Chaque intervenante est formée à l’aspiration quelque soit son statut. De fait tout le monde réaliser le geste technique ce qui en facilite son accès.
- Le livre ouvre également sur la question de l’euthanasie et sur l’accompagnement de fin de vie sans donner de réponse franche. Il insiste sur une collégialité est un partage avec la famille pour une décision juste. Mention spéciale pour ce couple qui souhaite mourir ensemble. Ce passage est particulièrement fort.
En conclusion
Les différents protagonistes entretiennent des rapports amoureux qui sont extrêmement diverses et multiples dans leur forme. En un mot, cela nous permet de nous concentrer sur les personnages et pas ce qu’ils renvoient. De même, au cours des lignes, nous sommes au plus prés des patientes, dans leur intimité, et cette proximité est très touchante. On ressent bien que l’auteur pioche dans son expérience professionnelle pour construire ces situations.
En outre, les propositions que défend Martin Winckler dans son système de soin sont particulièrement novatrices :
- Plus de fragmentation des services selon les maladies d’organes (comme la pneumologie ou la cardiologie par exemple) mais une réorganisation par pôle : « pôle enfant », « pôle physio » pour les femmes, « pôle Andro » pour les hommes, « pôle aîné » pour les séniors…
- Comme je l’ai évoqué, féminisation des professions. « soignantes pro » de « panseuses » et « d’officiantes » à la place de aide-soignant.e.s, infirmier.e.s, internes et médecins.
- Le parcours de formation est construit de manière à ce que chacun.e puisse franchir les étapes avec une rémunération juste et progressive non dépendante du prestige de la position mais plutôt des responsabilités. L’évolution est encouragée par la valorisation.
- Les soignées sont intégrées au cursus d’apprentissage et font des retours d’expériences pour former les professionnelles. Elles jouent leur rôle participent à la création de scénario pour former les soignantes aux situations particulières comme en psychologie et psychiatrie. Les soignées deviennent ainsi non pas des sources d’informations mais des sources de connaissances.
- La charte que doivent signer les soignantes, écrite en langage inclusif, est un plaidoyer sur la tolérance et l’égalité du soin. Un genre de serment d’Hippocrate mis au goût du jour.
- Dans cet hôpital public le recours à l’IVG est gratuit et automatique sans que l’on pose des questions sur le « pourquoi ». Chaque intervenante est formée à l’aspiration quelque soit son statut. De fait tout le monde réaliser le geste technique ce qui en facilite son accès.
- Le livre ouvre également sur la question de l’euthanasie et sur l’accompagnement de fin de vie sans donner de réponse franche. Il insiste sur une collégialité est un partage avec la famille pour une décision juste. Mention spéciale pour ce couple qui souhaite mourir ensemble. Ce passage est particulièrement fort.
En conclusion
Ce très beau livre écrit de manière épicène m’a laissé un souvenir de plénitude et de tolérance d’autrui. A titre personnel, il m’est arrivé de ressentir cela en sortant de tenue. Un état particulier où on se sent complet, entier et reconnaissant.
Citation choisie
A la page 120 se trouve un magnifique texte sur le soin. Je vois dans les deux derniers une connexion possible avec la maçonnerie.
Citation choisie
A la page 120 se trouve un magnifique texte sur le soin. Je vois dans les deux derniers une connexion possible avec la maçonnerie.
Soigner, c’est nettoyer des escarres sans avoir l’air dégoûté.
Soigner, c’est donner à manger à quelqu’un qui tremble trop pour tenir sa cuillère.
Soigner, c’est retourner trois fois en un quart d’heure dans la même chambre pour retaper un oreiller.
Soigner, c’est passer une compresse d’eau sur le front ou un glaçon sur les lèvres.
Soigner, c’est caler une jambe cassée sur un brancard avec un petit sac de sable.
Soigner, c’est tenir la main pendant que quelqu’un d’autre suture, ponctionne, arrache, incise, cautérise, injecte, sonde, aspire, accouche celui ou celle à qui on tient la main.
Soigner, c’est hocher la tête pour dire je suis avec vous.
Soigner, c’est avoir envie de prendre dans ses bras sans pouvoir le faire, mais trouver tout de même un geste qui voudra dire la même chose.
Soigner, c’est porter, soutenir, guider, écouter.
Soigner, c’est être là.
Soigner, c’est donner à manger à quelqu’un qui tremble trop pour tenir sa cuillère.
Soigner, c’est retourner trois fois en un quart d’heure dans la même chambre pour retaper un oreiller.
Soigner, c’est passer une compresse d’eau sur le front ou un glaçon sur les lèvres.
Soigner, c’est caler une jambe cassée sur un brancard avec un petit sac de sable.
Soigner, c’est tenir la main pendant que quelqu’un d’autre suture, ponctionne, arrache, incise, cautérise, injecte, sonde, aspire, accouche celui ou celle à qui on tient la main.
Soigner, c’est hocher la tête pour dire je suis avec vous.
Soigner, c’est avoir envie de prendre dans ses bras sans pouvoir le faire, mais trouver tout de même un geste qui voudra dire la même chose.
Soigner, c’est porter, soutenir, guider, écouter.
Soigner, c’est être là.
Adelphiquement votre
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