Planche symbolique d’Apprenti - Le Fil à Plomb

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Planche symbolique au premier degré


Fil à Plomb

Aujourd’hui je vais vous parler de recherche de soi. Exercice bien délicat pour moi. Si ce travail d’introspection est personnel et véritablement plaisant, s’exprimer en public sur ce point, c’est autre chose. Trouver l’équilibre entre banalités et thérapie n’est pas des plus évidents.

1er difficulté : Si dans mon métier je parle de temps en temps de moi, notamment en utilisant des anecdotes personnelles, je le fais souvent avec filtre. Je sais ici, que je peux tout dire, sans être interrompu, et que je serai respecté pour ce que je suis. La discrétion fraternelle m’y autorise mais également la bienveillance de vous toutes et vous tous qui m’inspire confiance et confort. En somme, il m’est possible de retirer le rideau... qui couvre le miroir.

2e difficulté : Justement ce miroir, il me faut le regarder bien en face. Pas juste admirer sa structure : regarder au fond de celui-ci. En un sens, c’est un autre que je vois, mon reflet, mon négatif. Ce n’est pas moi, ni mon pire ennemi. Non pour me voir, il me faut descendre plus en profondeur, aller au delà du reflet du miroir, ce que me renvoie peut être les autres de moi. J’ai donc cherché dans la symbolique maçonnique, un outil qui pourrait me permettre de regarder en moi, et j’ai pensé au fil à plomb.

Enfin, cela faisait longtemps que je n’avais pas réalisé une analyse non sourcée, entendez sans référence, que je combats mon esprit analytique, en somme que je travaille à contre courant de ce que je fais habituellement. Je suis parti de moi pour cette planche, je n’ai rien lu en rapport que ce soit dans la littérature maçonnique ou profane. Vous ne trouverez donc pas dans cette planche d’éléments historiques, de définitions ni même d’alchimie n’ayant aucune connaissance préalable dans ce domaine. Je vais vous parler de Superman, d’Edgar Morin, de vertus, d’examens médicaux et de billes. Cela fait une 3e difficulté donc, je m’arrête là, le chiffre est trop beau.

Après avoir compté mes excuses, me voici donc parti pour ce petit bout d’architecture, construit à la sueur de mon maillet et de mon ciseau. Je vous propose une plongée dans les abysses de mon esprit.


Dans le fil à plomb, il y a un fil et un plomb.

Le fil d’abord, que peut-il donc symboliser ? J’y vois le lien. Qui me relie aux autres ? A ma famille bien sûr, mes sœurs et mes frères... à mes amis... mais aussi au genre humain... à l’univers... ou à l’universel.

Ce fil peut être fin, comme le nylon du fil de pêche, brillant d’éclats et de multiples Beautés. Il est parfois épais comme un câble de métal, alliant résistance et Force. Enfin composite, mélangé et complexe, plein de savoir-faire et de Sagesse. Ainsi, ce lien peut être fragile comme solide, il peut changer avec le temps, s’affiner, se rouiller et s’épaissir, s’adapter, perdre sa résilience, en gagner. Il peut parfois se rompre, il est alors plus facile de refaire un nœud sur un fil de nylon, que sur un fil de fer. N’est il pas plus compliqué en un sens de raccommoder un lien fort quand il est rompu ? Je pense de suite aux familles ou fratries qui se déchirent bien qu’ayant eut un lien solide et puissant. Si on parvient à le réparer, il ne sera peut être plus jamais comme avant, le nœud comme cicatrice de cette blessure.

Pour autant, un fil, si fin soit-il, bien que fragile initialement, peut devenir une arme redoutable si on le maîtrise convenablement tel un fil à couper le beurre ou encore un pêcheur expérimenté qui pourra remonter un poisson sans casser son fil. L’astuce donc c’est de ne pas trop tirer dessus, de maintenir une tension adéquate afin d’éviter la rupture. Le lien à l’autre se travaille ainsi, en respectant la tension mais en gardant le contact. Et puis il y a la combinaison, plusieurs fils, ensemble, peuvent s’entremêler pour produire les plus belles tentures, les plus beaux tissus.

Les questions que me soulèvent cette réflexion sont : Comment est ce fil qui me relie à l’universel ? Combien ai-je de fils à ma portée dans mon rapport aux autres ? Quand je vois cette loge, je me dis qu’il y en a beaucoup, et que ceux-ci se tissent au fur et à mesure de nos réunions.

Le plomb. Il est des métaux qu’il faut laisser à l’extérieur du temple. Pas celui là. Pourquoi donc ? Métal pauvre, un plomb c’est lourd, c’est froid, c’est dense, c’est mat, c’est un peu symboliquement moi.

Le plomb, c’est lourd, le plus lourd des éléments stables. Il tombe en subissant la gravité. Celle-là même, qui le ramène au sol, en quittant les airs pour la terre, laissant ce dais d’azur parsemé d’étoile, pour un sol ferme. Il est donc bien utile pour rester ancrer au sol ou pour se maintenir sous l’eau, les semelles du scaphandrier illustre son voyage aquatique. Le feu n’aura pas besoin de beaucoup le chauffer pour le faire passer à l’état liquide puisque son point de fusion est très bas. Malgré cette tentative d’illustration des quatre voyages, le message reste limpide : gardons les pieds sur terre.

Le plomb c’est froid. On l’utilise En médecine pour tester le système nerveux. En effet, lorsque nous souhaitons diagnostiquer un défaut de conduction nerveuse, entendez une altération de la sensibilité, nous allons tester la capacité du patient à différencier le froid du chaud. En somme, il nous aide à tester les afférences sensitives. L’information en provenance de la périphérie, les récepteurs thermiques, au centre nerveux, le cerveau. De l’extérieur, vers l’intérieur. Encore

Le plomb c’est dense, et ca m’évoque tout de suite Superman. En effet, c’est l’unique matière à travers laquelle il ne peut voir, barrière à ses rayons X. Ce Superman, parlons-en. Existe-il vraiment ? Etre de vertu, bon sous tout rapport, bien que torturé car n’étant pas terrien, ou bien l’est il au final par ce côté. Icône de la moralité, sa mythologie présente une faiblesse, la Kryptonite, une pierre brute, son unique point faible, ce fameux plomb constituant pour lui la seule protection face à la pierre létale. La densité du plomb aidant également les Superman de temps modernes, les liquidateurs de Tchernobyl ou encore de Fukushima.

Le plomb c’est parfois mat. Je me souviens encore de l’époque des récréations et des concours de billes. Une catégorie de bille faisait un tabac : les plombs. Pas les plus belles billes, pas les plus brillantes encore que, pas les plus courantes non plus. Alors pourquoi s’arrachaient elles de la sorte. Leur poids, ou leur masse plutôt, en faisait de parfaits outsiders. Allez savoir pourquoi, je faisais mouche à chaque fois. Le plomb est mat certe, mais une fois poli et briqué, il se met à briller. Il réfléchit notre image à la manière d’un miroir. En regardant en lui, c’est moi que je vois, mais par forcément de manière net. Un peu déformé, glace déformante et filtre sépia, ce plomb c’est un peu moi mais vu de l’extérieur. Il me renvoie mon image, par son poids il m’impose de rester les pieds sur terre, avant d’inventer, se centrer sur soi pour réfléchir à soi, à ce qu’on est, à nos qualités et à nos défauts.

Mis ensemble, le fil à plomb constitue un objet particulièrement intéressant. Le plomb c’est moi, les pieds sur terre. Le fil c’est mon lien aux autres. L’objet décrit une verticalité descendante, il me ramène à moi, comme support parfait à l’introspection. En somme, il me permet de me poser la question : qui suis-je ? Une descente dans les profondeurs de soi, dans son propre cabinet de réflexion. Je m’interroge s’il fait froid là-dedans ? Ou si plutôt c’est cocooning et chocolat ? Ce cabinet de réflexion est-il dangereux, comme le plomb à haute dose ? Connais-toi toi même disait Socrate mais pas sans risque ?

Ce plomb tombe par des éléments extérieurs à lui. Par des forces externes, la gravité : métaphore de la société qui appui sur nous ou du silence qui nous est imposé par ce grade qu’est l’apprentissage. Comme un énième message au centrage sur soi.

Quand on le pousse, quand on le touche, le fil à plomb se met à onduler, il tremble à la moindre sollicitation. A l’image de mes convictions qui sont chahutées par certaines remarques ou certains discours. Epreuve pour l’égo. Malgré ces ondulations, le frottement fini par stabiliser ce fil à plomb qui reprendra irrémédiablement sa verticalité. La verticalité comme synonyme d’une droiture ? D’une vertu ?

Mais une verticale c’est également une séparation donc la création d’une dualité. Le blanc et le noir, la lumière et l’obscurité, le moi du dehors et le moi du dedans. Cette dualité me gêne un peu en réalité, car ce qui m’intéresse moi c’est le gris, c’est le compromis. C’est le joint entre les deux. J’ai une admiration pour Edgard Morin et son paradigme de la complexité. La pensée complexe c’est accepter la contradiction, accepter les oppositions pour voir émerger une idée centrale, une incertitude. C’est un va et vient à la manière du fil à plomb qui tangue, entre les parties singulières d’un tout et le tout singulier des parties. En somme, deux choses qui feront une. Et nous avons ainsi notre chiffre trois. Le plomb tombe donc au milieu de cet entre deux. En somme, il abonde dans la tempérance, encore une vertu.

Si le plomb me fait descendre, le fil m’invite à l’élévation, à m’enrichir de l’autre, à aller vers lui. Il est possible de regarder ce fil qui se perd dans la sphère céleste. Je n’en vois pas le bout mais je suis optimiste, au bout de ce fil, il n’y a rien d’inaccessible non, il y a l’espérance de grandir et de devenir meilleur. Il y a l’autre qui m’enrichit et me complète. L’universalisme maçonnique, n’est ce pas cela au fond, on respecte la différence des uns et des autres, on s’en nourrit, en maintenant la tension nécessaire aux échanges. Je finirai par une citation, que je n’ai pas inventée pour le coup. Pierre Dac a dit, « c’est la parole qui est d’or, le silence est de plomb ». Et bien moi je dirai que le silence de plomb de l’apprenti vaut bien de l’or.


Adelphiquement vôtre.

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