Planche Symbolique d’Apprenti - La Batterie

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Planche symbolique au premier degré 

La Batterie


Musique et maçonnerie ont de nombreux points communs. Elles combinent la clarté et le mystère, l’évident et le caché, le physique et l’impalpable, l’exo et l’ésotérisme. Ce que j’entends est similaire à mes sœurs et à mes frères, ce que j’en comprends est propre à moi même.

Contraint au silence qui lui est offert en cadeau, l’apprenti à tout le loisir et le temps de se nourrir de ce qu’il entend durant la tenue. Au delà des symboles, des mots, des formules et autres gestes rituels, parfois incompréhensibles pour le jeune initié, il y a la musique. Bien sûr, on pensera immédiatement à la table d’harmonie et son officier, qui par ses choix marquera, rythmera et enrichira la tenue. Ce n’est pas de cette musique dont je voudrai vous parler ce midi.

En maçonnerie, le rituel d’une tenue contient également des formes de mélodies atonales, entendez par atonale : sans possibilité d’en distinguer la hauteur précise. Pour donner quelques exemples : Pensons aux maillets qui frappent les pupitres, au bâton du maître de cérémonie qui s’abat au sol, aux pièces de l’hospitalier qui tintent ou aux mains de chacun qui claquent. Tout cet ensemble participe à donner du relief à la tenue et apporte une dimension sonore et gestuelle au rituel.

De l’extérieur du temple, les profanes parleraient probablement de bruit. Le bruit étant assimilé à une pollution sonore, comme un élément indésirable encombrant l’espace. Je veux vous parler de son. Un son, musical, qu’il soit atonal ou non, est rempli de sens. De ma position d’apprenti, j’ai pu constater qu’il se présentait majoritairement sous la forme ternaire, apparaissant de temps à autre de manière unitaire comme lors des prises de parole. Pourquoi cette ternarité ? Probablement pour signer une perfection, pour marquer un début, un milieu, une fin ou encore un tout. Est-ce pour rappeler à l’apprenti la limite de l’exploration numérique ? Le chiffre trois contient tant de mystère que je n’ai pas cherché à m’aventurer plus loin sur la question. Etant fâché avec les mathématiques d’une part, et ayant bien conscience qu’une planche complète consacrée au chiffre 3 ne serait pas un luxe, je dirais simplement que ce chiffre tellement symbolique est illustré de manière la plus pure possible dans la batterie.

Trois syllabes, trois sons, trois coups.

Voyons d’abord l’étymologie du terme « Batterie ». Celui-ci provient du mot battre. Mes recherches m’ont permis de constater qu’il était utilisé dans de nombreux contextes et situations. Emile Littré, encore un maçon, semble indiquer que le terme apparaît au XIIe siècle pour signifier des querelles de gens qui se battent. S’en suivront différentes utilisations, militaires (les armes, les canons, les actions de déclenchement, les marches et défilés), physiques (les batteries qui prennent la charge), instrumentale (batterie de casserole) et musicale (instruments, marche militaire, ensemble de musiciens, manière de jouer de la guitare, suites d’arpèges détachées).

Plusieurs sources se contredisent quand à l’apparition de la batterie en maçonnerie. Certains soutiennent que les premières traces remontent au XVIIIe siècle (Secret des francs-maçons de l'abbé Pérau paru en 1742). D’autres considèrent qu’elle serait concomitante à la naissance de la maçonnerie au XII siècle. (The Three Distinct Knocks publié en 1760)

Mais quelle est donc sa signification lors des tenues ? Là encore, deux théories semblent émerger. Certains y voient une représentation des coups du tailleur de pierre, ou encore un héritage des forgerons martelant le métal pour forger leurs outils. Ainsi, les coups donnés seraient là pour rappeler à chacun qu’il convient à chaque tenue de poursuivre le travail de taille de la pierre. Pour d’autres, la batterie maçonnique aurait une origine ésotérique, notamment rosicrucienne. Je n’ai pas exploré plus loin cette piste qui semblait m’amener à des grades supérieurs.

En loge, la batterie apparaît au début de la tenue. On l’entend la première fois lorsque le vénérable et ses surveillants frappent leurs pupitres avec leurs maillets à l’ouverture des travaux. Immédiatement suivie par les frères et sœurs qui, mains gantées, frappent une batterie avec rythme et vigueur. Les sœurs et les frères s’unissent pour marquer, martialement le début du travail à midi. A l’image des deux colonnes qui marquent physiquement la loge, cette batterie borne et suspend le temps par ses trois coups et donne un cadre. Intervenant à la fin d’une mise en condition progressive, elle prend vie à la manière d’un feu d’artifice suivie d’une acclamation, dont l’impact est à la hauteur du message énoncé.

La batterie suspend donc le temps, mais elle n’en a pas moins des attributs de rythme et d’espace. D’intervalles et de matières.

Le rythme d’abord : Dans notre rite et grade d’apprenti, elle contient 3 coups, suivant un rythme amphibraque. Deux croches, une noire. Deux coups secs, un coup long. Deux ébauches, une synthèse. Résoudre le binaire par le ternaire.

L’espace ensuite : la batterie se veut également physique et spatiale. Tout son est une onde qui se déplace avec ses caractéristiques propres. En tenue, les sœurs et frères entrent en résonance et construisent une onde vibratoire ensemble, à l’unisson. Si les frappent sont suffisamment bien synchronisée, on pourra ressentir physiquement la batterie.

Je me suis demandé pourquoi nous frappions dans nos mains ? Frapper ses mains c’est unir sa main droite et sa main gauche pour former un son, la réunion des deux pour faire l’un. La réunion du physique pour créer l’invisible. Dans la vie profane, nous le faisons dans plusieurs situations. La première pensée qui peut être nous traverse est probablement la congratulation, la félicitation et l’hommage. On retrouve cela en tenue, la batterie étant utilisée tantôt pour féliciter un frère, célébrer un nouveau vénérable et son collège d’officier, accueillir un hôte prestigieux, ou encore saluer une sœur ou un frère disparu passé à l’Orient Éternel. Mais on frappe également dans ses mains pour attirer l’attention, en tenue pour prendre la parole. Enfin, frapper des mains peut aussi être utilisé pour impressionner ou dévaloriser, chose bien évidement très éloignée des principes de fraternité.

Pour l’apprenti, la batterie prend un sens tout particulier. Elle s’oppose par essence même au silence dont il doit faire preuve. C’est la première occasion qu’il aura de s’exprimer et il le fera en rythme, en suivant ses ainés, accompagné et soutenu par eux. C’est ensemble que nous marquerons le temps, de manière synchrone. De cette façon les sœurs et frères assurent un compagnonnage et guide le jeune apprenti.

La présence de gants procure à cette batterie maçonnique son plus mat et plus étouffé que le serai un applaudissement. Est ce pour souligner la discrétion et le respect du secret des frères et des sœurs et de ce qui se dit en loge ? Est ce pour nous rappeler la retenue dont il faut faire preuve quand nous jugeons les autres ? Est ce le symbole de la protection, comme l’ouvrier qui protège ses mains, une loge couverte nous assure une pleine liberté de pensée et de parole? En cachant nos mains qui vont se mouvoir, nous cachons également nos signes extérieurs de richesse et nous nous présentons comme égaux face à nos frères et sœurs.

Enfin, à minuit, il est temps de fermer les travaux comme il est temps d’en finir avec cette planche. La triple batterie suivie de l’acclamation fait son office et nous permet de repasser dans le monde profane. Nous arrivons ainsi aux dernières mesures de cette partition qu’est le rituel.

Pour moi il s’agit bien là d’une partition qui contient ses portées, son armure et ses signes distinctifs tel que la batterie qui borne et donne du relief aux tenues comme pour nous rappeler à chaque fois que nous frappons dans nos mains, qu’une pierre se taille tout au long de sa vie. Mon émotion est toujours forte lorsqu’il arrive ce moment d’union par le son et la musique. Est ce aussi cela qu’on appelle l’égrégore ?


Adelphiquement vôtre.

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